"On a pas eu le soutien de la région Sud, c'est dommage..." - Retour sur l'interview avec TDS KRussT, CEO de Team du Sud
Après avoir annoncé mettre fin à ses activités, Team du Sud connait donc sa dernière année dans l'univers de l'esport. À l'occasion, nous avons eu le privilège de nous entretenir avec Lucas "KRussT" Besnard, CEO de TDS, pour discuter du contexte actuel de la structure. De son entrée dans le monde de l'esport à son arrivée chez TDS, KRussT nous partage son expertise et sa passion pour un domaine qui ne cesse de captiver des millions de fans à travers le monde.
Voici un compte rendu des échanges que j'ai pu avoir avec KRussT, notamment sur son parcours professionnel, les enjeux actuels de l'esport et les défis auxquels TDS a dû faire face.
Sommaire des questions, cliquez pour être redirigé à la question qui vous intéresse :
- Comment es-tu arrivée dans cet univers en pleine expansion qui est celui de l'esport ?
- Comment as-tu vécu la transition de ton passage du FC Nantes à Team du Sud ?
- Comment as-tu fait la rencontre de Slipix et Sixen ?
- En tant que CEO, que fais-tu au quotidien chez Team du Sud ? Quelles sont tes responsabilités ?
- Dès votre arrivée en LFL, vous marquez les esprits, notamment pour une chose : les maillots TDS, où est-ce que vous êtes allé chercher ce design unique ?
- Comment avez-vous géré les ruptures de stocks ? Est-ce que ç'a pu perturber la structure dans l’ensemble ?
- Comment avez-vous réussi à vous former cette image de représentant de l'esport dans le sud de la France ?
- Est-ce que la région Sud a pu vous octroyer des subventions ? Ou bien vous a-t-elle aidé lors d’évènements en particulier ?
- Est-ce que le support de tous ces fans TDS représente une pression supplémentaire sur vos épaules ?
- Si l'année de TDS aurait connu de meilleurs résultats, auriez-vous pris la meme décision ?
- Cette décision de mettre fin au projet TDS, a-t-elle été prise entre vous (CEOs) ou bien, elle a été prise en groupe, avec tous les membres de la structure ?
- Est-ce qu’il y a des équipes ou des structures avec lesquelles vous avez collaboré pour offrir une transition en douceur à vos talents ?
- Sixen a-t-il des projets à l’avenir ? Compte-t-il rester dans l’univers de l’esport ?
- Selon toi, est-ce que tu penses qu’en LFL, on aurait besoin d’un nouveau format ?
- Pour toi, est-ce que tu penses que l’industrie de l’esport en France est sur la bonne voie ?
- Est-ce que tu envisages de rester dans l'esport, ou bien, tu souhaiterais explorer de nouveaux horizons professionnels après TDS ?
Tu as rejoint Team du Sud en tant que Manager et depuis quelques mois maintenant, mais avant d'en arriver là, comment as-tu intégré le monde de l'esport ?
KRussT - "Alors, ça va faire 4-5 ans désormais, mais j'étais en semestre à l'étranger à Londres et on avait un stage à faire. C'est à ce moment-là, je sais même plus vraiment pourquoi, mais j'aimais les jeux vidéos de manière générale, mais aussi le management, mais je n'ai rien trouvé là-bas. Quand je suis rentré en France, je suis arrivé dans une petite organisation en open tour du côté de Fragboxgaming où je suis resté plus d'un an toujours dans le cadre d'un stage. Enfin, j'ai déménagé, j'ai fait ma licence. Puis je me suis dirigé dans un master orienté un peu jeux vidéo/management à Lyon et ça m'a donné l'opportunité, une fois en master 2,de rentrer avec le FC Nantes Esports en Div 2 puis j'ai eu la chance d'être recruté par TDS en 2022."
Tu l'as mentionné, mais comment as-tu vécu la transition de ton passage du FC Nantes à Team du Sud ?
KRussT - "J'ai eu beaucoup d'appréhension parce que je savais qu'en passant du FC Nantes à TDS, ce n'était pas du tout les mêmes ambitions. C'était une année hyper galère au FC Nantes, en parallèle de ça, je faisais un double master et le surmenage, tous les efforts que j'ai effectué m'ont poussé à un burn-out sur la fin. C'était assez compliqué et en plus, on finit relégué avec la structure. Mais moi, ce que je voulais, c'était continuer dans l'e-sport. Et TDS "s'est pointé" et finalement la transition n'a pas été dure. Il n'y avait pas grand monde, du coup, j'étais toujours un peu solo, à faire comme je le sentais. Chez TDS, il n'y avait personne réellement au-dessus de moi dans la hiérarchie, j'avais carte blanche, j'ai du m'adapter et tout faire à ma façon. Finalement, ce qui était évidemment différent c'était les ambitions, c'était pas les mêmes joueurs."
Avant d'intégrer TDS, tu as dû faire la rencontre de deux grands personnages, Sixen et Slipix, comment tu les as rencontrés ?
KRussT - "Je les avais déjà rencontrés ces deux personnages à l'occasion d'une LEL (Lyon Esports LAN) quand j'étais au FC Nantes et ils étaient littéralement à deux mètres de moi, dans la même pièce que moi. Je me souviens à l'époque, ils faisaient que gueuler, de toute façon comme toujours et j'étais en mode "je sais pas qui c'est ??". Mais sinon pour le côté professionnel, la première fois, c'est un vocal avec les gars avant mon arrivée chez TDS et j'avais déjà senti tout le côté humain de ces deux personnages."
De nos jours, on entend beaucoup de gens parler du rôle de CEO notamment avec Kamet0, Squeezie ou encore Gota, mais toi en tant que CEO qu'est-ce que tu fais au quotidien chez TDS ?
KRussT - "Je pense qu'il y a plusieurs "catégories de CEO", il y a plusieurs façons de gérer et je pense qu'en fonction des projets, c'est extrêmement différent. Chez TDS, je faisais énormément de choses parce qu'on était TDS, parce qu'on n'avait pas beaucoup de moyens et parce qu'on n'avait pas beaucoup de personnes à disposition. Pour le coup, le seul truc que je ne faisais pas, c'était de gérer l'équipe LFL au quotidien et gérer la communication de la structure au quotidien. J'étais aussi en charge du merchandising et c'était très important pour nous."
On l'a mentionné au début, mais votre année en Div 2 est magique. Puis, vous rejoignez l'élite du League of Legends français : la LFL. Vous arrivez dans la ligue avec un merchandising exceptionnel. Comment est venue l'idée du design du maillot ? Est-ce que vous avez eu des inspirations d'autres équipes ?
KRussT - "On s'est vraiment posé et on a fait : Team du Sud, on veut des vagues, on veut de la couleur. Notre briefing était très simple. Il nous fallait un pattern qui soit lié à la structure et qui soit reconnaissable. On s'est beaucoup pris la tête pour le design du maillot pour pas que ça fasse trop. On a essayé plein de trucs et on a assumé jusqu'au bout et je pense qu'en effet ça rend de très beaux maillots. Après, on aime, on n'aime pas ça, je comprends, ça peut faire too much pour certaines personnes."
Les maillots ont séduit beaucoup de fans d'esport et les stocks se sont rapidement vidés. Comment vous avez géré ces ruptures de stock, ç'a eu un impact sur la structure ?
KRussT - "Alors, non, ça n'a pas eu d'impact. Déjà en Div 2, on n'avait pas d'entrepôt. Les décisions du shop, c'est moi, mais la logistique du shop, c'est quelqu'un d'autre. C'est quelqu'un d'autre qui bosse aussi pour une autre structure parce qu'on n'a pas les moyens d'avoir tout ça nous-mêmes. En LFL, quand les fans commandent un maillot, souvent, nous, on passe la commande à la maison, peut-être 10 jours après, parce qu'on ne commande pas maillot par maillot. On doit faire des vagues de commandes, sinon ça nous coûte trop cher de commander maillot par maillot. C'est pour ça que malheureusement, on a des délais de livraison qui sont parfois un peu longs. Des fois, ça met quelques semaines parce que les gens ont de la chance, des fois, ils ont leur maillot 3 mois après et on est les premiers désolé. Si on avait plus de moyens, ça se passerait autrement, mais on était obligé de faire ce genre de sacrifice."
En France, dans l'esport, si un fan devait citer une structure du sud de la France, ça aurait été à 99 % Team du Sud. Au fil des années, comment vous avez formé cette image ?
KRussT - "Moi, je pense que ça n'a pas été très compliqué. Je veux dire, Sixen et Slipix, ce sont des purs sudistes quoi et je ne vais pas te mentir, ça n'a pas été compliqué d'instaurer l'image du Sud quand tu as ces deux personnages qui gueulent avec un accent 4 heures par jour sur leur stream"
Étant une structure qui représente bénéfiquement le sud, est-ce que la région vous a octroyé des subventions lors d'événements particuliers comme des LFL Days ?
KRussT - "Alors, c'est une question à laquelle je n'aurais pas répondu si TDS avait continué d'exister, mais vu que ce n'est bientôt plus le cas, je vais me faire un plaisir de répondre. On a eu des contacts et des discussions avec la région Sud depuis novembre 2023. On est allé les voir, on a monté des dossiers, Sixen et Slipix se sont déplacés à l'hôtel de la région pour n'avoir, au final, que très peu de réponses, je ne vais pas te mentir. Alors oui, ils ont d'autres sujets à traiter, il n'y a pas de soucis. Mais par rapport aux termes qui étaient employés et aux échanges qu'on a eus, on n'a vraiment pas ressenti cette envie d'être la région pilote de l'e-sport en France. Honnêtement, on avait vraiment besoin de la région Sud, on avait misé beaucoup sur la région Sud. Les discours, les échanges qu'on a eu étaient très positifs jusqu'au moment où on nous dit : c'est compliqué avec les Jeux Olympiques. Cependant, on sait que les JO ça ne se prépare pas du jour au lendemain. En quelque sorte, on nous a fait de belles promesses dans le vent et on a perdu beaucoup de temps et d'énergie pour quelque chose qui aurait dû couler de source. Littéralement, c'est dans notre nom et on n'a pas eu le soutien de la région Sud, c'est vraiment dommage. Sur le papier, c'était un soutien quand même plutôt facile à avoir, ou qui aurait dû être facile à avoir et qu'au final, qu'on a pas eu et qui a rendu l'année de LFL bien plus compliquée."
Malgré le manque de soutien de la région, vous avez derrière vous une énorme communauté. Est-ce que le support de tous ces fans TDS représente une pression supplémentaire sur vos épaules ?
KRussT - "Je pense que cette affirmation est vraie pour certaines structures, mais chez nous, non. D'ailleurs, merci à eux, mais merci à tous les autres supporters qui nous ont accueillis. On a une fanbase qui est bien de chez nous, qui est bien propre à TDS et qui a été top de A à Z, respectueuse et surtout qui a toujours été un coup de pouce et jamais un frein."
Si l'année de TDS avait connu de meilleurs résultats, auriez-vous pris la meme décision ?
KRussT - "Encore une fois, la décision qu'on a prise, c'est une décision qui est avant tout celle de Sixen et Slipix. Evidemment que j'avais mon mot à dire, dans le sens où je donnais mon avis, mais j'ai pas eu envie de manière générale d'influencer plus que ça leur choix car c'était avant tout de la santé des concernés dont on parlait. La vérité, c'est que ça fait trois ans que TDS s'est éreintant, que financièrement c'est un gouffre. Ne pas avoir de sponsors, de sources de financement qui suivaient plus ou moins loin ce développement, ça a tué plein de choses, ça a tué déjà le projet en lui-même, mais ça a tué aussi la santé des gars, ça a tué littéralement la confiance qu'on pouvait porter au milieu."
Malheureusement, comme tu l'as mentionné, TDS en fin d'année va mettre fin à ses activités malgré toutes les recettes, toutes les bonnes choses que vous avez instaurées. Cette décision de mettre fin au projet TDS, elle a été prise entre vous, c'est-à-dire entre CEO, ou bien elle a été prise en groupe, avec vraiment tous les membres de la structure ?
KRussT - "Non, ça c'est une décision qui ne regarde que Sixen et Slipix, et du coup moi dans une moindre mesure. C'est une décision qui repose sur des raisons qui sont humaines, plus que spécialement financières ou quoi que ce soit. Le soir où on a posé cette discussion-là, où moi, clairement, je me souviens, je leur ai dit « Les gars, est-ce que vous êtes heureux ? Comment ça va ? » et c'est de là que c'est parti, et puis après, ça a enchaîné jour après jour, semaine après semaine. Officiellement, on a pris la décision, nous, d'arrêter le projet mi-juillet, mais on y a réflechi depuis la milieu du split.
Chez TDS, on a vu passer beaucoup de talent, comme tu l'avais dit, on peut notamment mentionner Maynter ou Matias, mais est-ce qu'il y a des équipes ou d'autres structures avec lesquelles vous avez collaboré pour offrir une transition en douceur à vos joueurs actuels ?
KRussT - "Non, on n'a pas collaboré spécialement avec d'autres structures. Quand on nous demande des feedbacks sur un joueur ou un staff, on est honnête, on donne les feedbacks qu'on a à donner. Quand on vient nous demander des informations, on les donne et on est très souvent content de dire que c'est une bonne personne et que c'est un bon joueur à tout, mais on n'a pas poussé la collaboration au point de proposer des joueurs."
Tu l'as mentionné tout à l'heure, mais avec son état de santé, on n'imagine pas vraiment Slipix revenir sur le devant de la scène, mais du côté de Sixen, est-ce que tu sais s'il a des projets à l'avenir ? Est-ce qu'il compte rester dans l'univers de l'esport ?
KRussT - "En vrai, je ne sais pas exactement, parce que là c'est encore flou pour tout le monde. Je pense que dans tous les cas, ni l'un ni l'autre ne lâchera déjà League of Legends de manière générale. Il y a des structures qui pour moi, qui manquent grandement d'un espèce de département d'influence un peu comme ça et qui ferait très bien de se pencher sur le cas Sixen et Slipix pour peut etre fusionner et ramenr une fanbase. Mais non, pour vraiment répondre à la question, je n'en sais rien de ce qui va se passer. Je pense que Sixen aimerait rester ou revenir un jour dans l'esport."
On a parlé de collaboration et de soutien à vos talents. Le format des compétitions, ça joue aussi un rôle très important dans leur développement. Selon toi, est-ce que la LFL aurait besoin de changer de format ?
KRussT - "Le changement de format ? Très honnêtement, je ne suis pas certain que ce soit une bonne ou mauvaise chose. Est-ce que passer sous un format à trois splits, ça va rendre la LFL plus cool ou que ce soit plus divertissant et plus stable ?Je ne pense pas que ce soit le facteur principal, néanmoins, ça peut potentiellement jouer dessus. Mais si la LFL venait à changer de format, il faudrait une meilleure gestion aussi des pauses et des breaks et faire attention à la santé des joueurs et des staffs des différentes structures."
Malgré le contexte actuel de TDS, est-ce que tu penses que l’industrie de l’esport en France est sur la bonne voie ?
KRussT - "Je pense que oui. Surtout que overall, il y a beaucoup de personnes du côté administratif, voire politique, qui essayent de faire avancer les choses pour que ce soit plus professionnel et que de manière générale, ce soit un vrai marché à part entière, que l'esport soit un marché d'avenir. Néanmoins, la vérité, c'est qu'il y a beaucoup de sponsors qui ont perdu beaucoup d'argent dans ce qui a été la bulle de l'esport il y a quelques années et encore très récemment. Du coup, ce qui fait qu'il y en a beaucoup moins de sponsors maintenant. Mais de manière générale, je pense que ça prend la bonne direction.
Pour finir cette interview, on a pu voir récemment sur les réseaux que tu étais à la recherche d'un nouveau projet. Est-ce que tu envisages de rester dans l'esport ou bien tu souhaiterais par exemple explorer de nouveaux horizons ?
KRussT - "Je veux rester dans l'esport parce que, de un, c'est ma passion et que j'ai la chance d'avoir pu goûter au fait de travailler et de vivre de sa passion, ce qui est pour moi un vrai luxe, et tant que je peux espérer y avoir droit, y avoir accès, je me battrai pour. J'estime que j'ai quand même maintenant les compétences pour apporter quelque chose à pas mal de structures."
Encore un grand merci à Lucas Besnard, alias KRussT, d'avoir accepté cette ITW, de nous avoir partagé sa vision de l'esport et de nous avoir donné certains détails quant au choix de mettre fin aux activités de Team du Sud. Je te souhaite de très belles choses à l'avenir et comme tu l'as dit lors de l'ITW, je te souhaite surtout de rester dans un milieu qui te passionne : celui de l'esport.
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