Les enfants influenceurs et youtubers bientôt protégés par la loi Studer

Me Mathieu Bui, avocat au barreau de Paris, vous informe sur la loi Studer qui a pour but de protéger les mineurs de moins de seize ans ayant une activité sur internet.
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La loi du 19 octobre 2020, visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image des enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne (dite loi Studer), a été adoptée par le Parlement et entrera en vigueur le 20 avril 2021. Elle vise à encadrer l'activité des « mineurs-influenceurs » sur internet dans un objectif de protection des droits de l'enfant.

Rapide décryptage des principales dispositions avec Me Mathieu Bui, avocat au barreau de Paris.

Présentation de la loi Studer visant à protéger les mineurs-influenceurs sur internet

C'est quoi un « mineur-influenceur » ?


Dans le langage courant, un influenceur désigne une personne (célèbre ou disposant d'une légitimité dans un domaine particulier) s'imposant comme une autorité suffisamment crédible pour exercer une influence sur les comportements d'achat de son audience. C'est principalement le cas pour les produits de mode mais cette activité tend à s'étendre à tout produit de consommation.

 

Et en droit ?


La loi Studer porte sur l'encadrement de l'activité des « enfants de moins de seize ans » qui seraient engagés par un employeur pour « réaliser des enregistrements audiovisuels en vue d'une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme de partage de vidéos » et dont le mineur est le « sujet principal ».

 
On comprend donc que le « mineur-influenceur » est, au sens de cette loi, toute personne de moins de 16 ans dont l'image sera exploitée en ligne par un tiers dans un but lucratif sans que cette exploitation entre dans un cadre artistique, dans le cadre d'un spectacle, d'une activité de mannequin ou d'une compétition de jeux-vidéos.


Que prévoit la loi Studer pour protéger le mineur-influenceur ?


En réalité, cette loi distingue deux situations.

Il y a d'abord le mineur de moins de seize ans qui est engagé en vue d'une diffusion à titre lucratif. Dans ce cas, la personne qui engage le mineur doit, à l'instar de ce qui est prévu par la règlementation applicable aux « enfants du spectacle » et aux esportifs de moins de seize ans, disposer d'une autorisation individuelle de la part de l'autorité administrative (la DIRECCTE) qui pourra prendre la forme d'un agrément.

Ainsi, tout employeur qui souhaite engager un mineur-influenceur devra être agréé comme c'est le cas pour les agences de mannequin par exemple.

 

Et pour les jeunes qui diffusent des vidéos à leur initiative sans être engagé pour cela ?


C'est l'autre cas qui vise « la diffusion de l'image d'un enfant de moins de seize ans sur un service de plateforme de partage de vidéos lorsque l'enfant en est le sujet principal ». Il n'y a ici pas de notion d'engagement de l'enfant par un employeur mais une diffusion, à l'initiative ou dans un cadre plutôt spontané, du mineur-influenceur.


Dans cette hypothèse, les représentants légaux du « mineur-influenceur » devront procéder à une déclaration auprès de l'autorité administrative si la durée ou le nombre de contenus excède un certain seuil ou lorsque cette diffusion engendre des revenus, au profit de la personne responsable de la réalisation, production ou diffusion de ces contenus, qui excèderont un certain seuil.

 


Il faudra donc accomplir des formalités administratives pour être en règle ?


Oui, mais pas que !


En assimilant le statut des mineurs-influenceurs à celui des enfants du spectacle, on retrouve un mécanisme très protecteur des droits de l'enfant. La rémunération que celui-ci obtiendra dans le cadre de ses activités d'influenceur – à partir d'un certain seuil dans le cas du régime de déclaration - devra, sauf une partie qui pourra être laissée à la disposition de ses représentants légaux, être versée à la Caisse des dépôts et consignations et gérée par cette caisse jusqu'à la majorité de l'enfant ou son émancipation.

 


Quel est le risque si on ne respecte pas ces nouvelles règles ? 


Il y a des sanctions (amende et peine de prison selon les cas) prévues en cas de non-respect de ces obligations, qu'il s'agisse du règlement de la rémunération directement au mineur-influenceur ou à ses représentants légaux en violation de l'obligation de consignation, ou de recourir à l'emploi d'enfants-influenceurs sans avoir accompli de formalités administratives. 

 


D'autres personnes sont-elles visées par ce nouveau dispositif ? 


Effectivement, les annonceurs et les plateformes de vidéo se voient, eux aussi, imposer de nouvelles obligations.

Tout annonceur qui effectue un placement de produit diffusé sur une plateforme de partage de vidéos dans lequel le sujet principal est un enfant de moins de seize ans, devra vérifier auprès de la personne responsable de la diffusion si celle-ci est soumise à l'obligation de consignation des sommes auprès de la Caisse des dépôts et consignations. 


Les plateformes devront, pour leur part, adopter des chartes, en collaboration avec le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, pour :

  • Favoriser l'information des utilisateurs quant aux risques psychologiques associés à la diffusion de l'image d'enfants de moins de seize ans ;
  • Mettre en place des outils de signalement et de détection de ces risques.


What else ? 


D'autres dispositions de la loi Studer viennent faciliter l'exercice du droit à l'oubli s'agissant des données personnelles des mineurs, puisque le consentement des titulaires de l'autorité parentale ne sera pas requis.

Par ailleurs, la justice pourra être saisie par l'autorité administrative si un contenu est mis en ligne en l'absence d'autorisation ou de déclaration selon le cas, afin d'ordonner des mesures telles que la suppression de la vidéo et/ou du compte concerné


Pour le reste, il faut espérer que les textes réglementaires d'application viendront préciser les différents seuils en terme de contenus ou en terme de revenus d'ici à l'entrée en vigueur de la loi Studer afin de que le statut des mineurs-influenceurs soit totalement clarifié en droit français
 


Mathieu Bui,
Avocat au barreau de Paris

Maître Mathieu Bui est avocat au barreau de Paris depuis 2014 après avoir démarré comme juriste-business affairs dans l'industrie du disque. 
Sa pratique se concentre sur les problématiques relatives au numérique et à l'innovation. Il est également membre de l'incubateur du barreau de Paris. 
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Site internet de Mathieu Bui / Linkedin de Mathieu Bui

Source vignette : chaîne Youtube de Swan & Néo